Lac Chilika
A une quarantaine de km de Puri, s'etend le plus grand lac indien, le Chilika, qui couvre plus de 1000 km carres. Il s'ouvre sur la baie du Bengale, formant ainsi un immense lagon d'eau saumatre. J'y suis allee avec Samarendra, Rebecca, et leur ami Felix. Ce dernier, anthropologue et violoniste, ecrit un livre avec Samarendra sur la lutte des tribus de l'Orissa contre les projets miniers. Il se trouve aussi etre l'arriere arriere petit-fils de Charles Darwin... Le monde est decidement plein de surprises et de rencontres extraordinaires! Ils avaient loue une voiture avec chauffeur pour faire l'excursion et m'ont propose de les accompagner. Des que l'on quitte Puri le paysage devient verdoyant, seme de pieces d'eau ou fleurissent des lotus roses et des nenuphars blancs ou mauves pale. Des cocotiers s'inclinent au-dessus des marais, ou des herons blancs immobiles posent en sentinelles. Au fur et a mesure que nous nous enfoncons dans les terres, les oiseaux se font de plus en plus nombreux. Des martins pecheurs turquoise et bleu petrole sont perches sur les fils electriques, d'ou s'envolent de grosses perruches vertes et jaunes. L'air est d'une purete exceptionnelle. La lumiere transparente cisele les contours des silhouettes d'hommes et de femmes penches sur les rizieres inondees ou ils repiquent des pousses de riz. Le vert des rizieres est unique, eclatant, vif et frais comme s'il venait d'etre invente par un peintre audacieux.
Le lac Chilika est un paradis pour les ornithologues, car c'est un refuge pour les oiseaux migrateurs, venus d'aussi loin que la Siberie. Nous louons un bateau pour faire un tour sur le lac, jusqu'a l'ouverture sur l'Ocean. Des dauphins s'ebattent dans l'eau, a quelques metres de nous. Le spectacle est merveilleux. L'eau etincelante au soleil, le vent frais, le clapotis des vaguelettes sur la coque du bateau... Nous avons des yeux d'enfants emerveilles, conscients de vivre des moments privilegies. Des oiseaux survolent le lac, solitaires ou en groupes, au ras de l'eau ou haut dans le ciel.
Au bout de deux heures de navigation nous accostons sur une large langue de sable, ou quelques cafes etalent leurs chaises de plastique, incongrues comme le carton plante au milieu du sable qui porte l'inscription "urinoir - dames- 2 roupies" ! Des touristes indiens arpentent les lieux, boivent du the et de l'eau de coco, se prennent en photo sur fond de dunes. Les vagues de l'Ocean Indien agitent le lac, sur lequel nous repartons apres avoir bu un the. Felix sort son violon et joue quelques morceaux, pendant que le bateau derive mollement, moteur coupe. Samarendra et Rebecca, qui ne se sont pas vus depuis plusieurs mois, irradient de bonheur et d'amour. Leur ami, qui est timide, tourmente et sensible, est aussi intensement present. Je partage cette sphere d'amitie en ressentant une profonde gratitude pour la vie qui offre de tels souvenirs.
Pendant que nous regagnons l'embarcadere le soleil descend lentement vers l'horizon, se transforme en un globe orange et disparait d'un coup dans une brume mauve. La route du retour, de nuit, est etrange comme un film de David Lynch, avec des vaches blanches qui se materialisent dans le faisceau des phares, plantees ou allongees au milieu de l'asphalte, indifferentes aux chiens, aux humains, aux voitures.